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Début mars, les travailleurs agricoles de Mecklenburg
et Pommern se mettent en grève pendant une
semaine pour revendiquer des augmentations de salaire, la journée de
8 heures, ainsi que le départ des membres de corps-francs hébergés sur
les propriétés[1].
Il s'agit des dénommés “Baltikumer” (cf. ci-dessous),
qui avaient combattu dans la région du Baltikum contre
l'armée rouge russe. Ces corps-francs avaient ensuite trouvé refuge comme
mercenaires armés ‑ camouflés comme commandos de travail ‑
sur les grandes propriétés foncières dans les régions à l'est de l'Elbe
(cf. ci-dessous). Ils assurent ainsi la poursuite des rapports féodaux [Gesindeordnung] ‑ qui pourtant avaient en
principe été abolis en 1918 ‑, selon lesquelles les travailleurs
agricoles ne jouissaient pas du droit de coalition et de grève et le
seigneur pouvait exercer sa propre juridiction.
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Baltikum,
Ostelbe, Junker
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Les régions désignées comme Baltikum
couvrent l'Estonie et la plus grande partie de la Lettonie, région dominée
depuis le 17e siècle par les barons baltes, c'est-à-dire la noblesse
germanophone.
Les régions désignées comme Ostelbe
couvrent six provinces de Prusse: Ostpreußen et Westpreußen (Prusse de l'Ouest et de l'Est), Pommern,
Posen, Schlesien (Silésie), Brandenburg.
Le terme Junker désigne à l'origine, au moyen âge, un jeune
membre de la noblesse[2].
Par la suite, il prend une connotation négative. Vers le début du
19e siècle son usage se trouve restreint principalement à la noblesse
de l'Ostelbe.
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À Berlin démarre un mouvement de grève dans les
grandes boulangeries. Il se terminera le 7 mars[3].
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Dans le cadre des négociations concernant l'horaire des
équipes dans le secteur minier, le chancelier Gustav Bauer (SPD) adresse
une lettre aux fédérations des travailleurs des mines[4].
Il écrit notamment[5]:
Le bienêtre général exige que les travailleurs fassent le
sacrifice d'accomplir des tournées rallongées, dont je reconnais
entièrement la gravité. Dans l'intérêt du maintien des bonnes relations
entre gouvernement et syndicats de même que dans l'intérêt de leur
réputation j'exprime donc mon espoir que l'accord sur la procédure des
tournée rallongées soit de nouveau conclu par voie d'entente volontaire et
qu'ainsi le gouvernement soit dispensé de la nécessité d'atteindre
l'objectif absolument nécessaire par d'autres voies.
[Citation dans l'original ►.]
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Après la décision prise par le ministre de la défense Gustav
Noske (SPD) de dissoudre la Brigade de Marine II et
la Brigade de Marine III (cf. 29 février
1920), le général Walther von Lüttwitz proteste contre
cette mesure, les 6 et 7 mars[6].
Le 10 mars, le major Kurt von Hammerstein-Equord,
officier d'état-major du Commandement de groupe 1 [Gruppenkommando 1],
à la tête duquel se trouve le général Walther von Lüttwitz,
informe Noske que ce dernier participe à des préparatifs de putsch (Hammerstein est gendre de Lüttwitz)[7].
Hammerstein lui-même ainsi que certains autres
officiers de l'état-major sont opposés à ces projets, parmi eux le major
général Martin von Oldershausen et le major Karl von Stockhausen.
G. Noske démet W. v. Lüttwitz
de ses fonctions de commandement qui incluent l'ensemble des troupes à
l'est de l'Elbe ainsi que celles de Saxe, Thüringen et Hanovre.
W. v. Lüttwitz s'entretient
avec le président Friedrich Ebert (SPD), en présence de G. Noske. Il
pose une série d'exigences que Noske rejette[8]:
1. Dissolution
immédiate de l'assemblée nationale et nouvelles élections au Reichstag.
2. Désignation de
ministres spécialisés dans les ministères de l'extérieur, de l'économie et
des finances.
3. Institution d'un
Commandant suprême de l'ensemble de la Reichswehr, en
sa personne, et destitution du général Reinhardt.
4. Annulation des
ordres de dissolution.
[Citation dans l'original ►.]
Le lendemain, W. v. Lüttwitz
n'ayant pas présenté de requête de congédiement, G. Noske le met en
disponibilité en attendant qu'il prenne l'initiative suggérée.
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Après le congédiement du général W. v. Lüttwitz,
les principaux officiers d'état-major au ministère de la défense et au
Commandement de groupe 1 de l'armée oeuvrent à
l'isolement de Lüttwitz et font en sorte que le
ministre de la défense G. Noske ordonne un certain nombre
d'arrestation, concernant notamment Wolfgang Kapp qui est directeur général
de la Ostpreußische Landschaft (un institut de crédit
subventionné par l'état), et le capitaine Waldemar Pabst, commandant de la
Division de tirailleurs de cavalerie de garde[9].
Selon certaines informations, des unités de l'armée, notamment la Marinebrigade II, ont l'intention d'exécuter une action
contre le gouvernement dans la nuit au 13 mars[10].
W. v Lüttwitz rencontre le
commandant de la Brigade de Marine II, Hermann Ehrhardt[11].
Celui-ci à son tour soumet aux généraux Burghard von Oven
et M. v. Oldershausen (tous les deux
officiers d'état-major du Commandement de groupe I), une série
d'exigences en les chargeant de les transmettre au gouvernement. À la
réunion du gouvernement qui se tiendra le lendemain tôt le matin, Oldershausen rapportera la demande d'Ehrhardt
de la manière suivante[12]:
1. Un général est
placé à la tête de l'armée.
2. Un nombre
considérable de ministères doivent être pourvus par des ministres
spécialisés.
3. Le général de
l'infanterie von Lüttwitz doit être repris dans
l'armée.
4. Aux hommes
politiques qui ont participé à l'entreprise, l'impunité est assurée (Kapp, Pabst, Bauer, Schnitzler et autres).
5. Les troupes qui
sont parties prenantes à l'entreprise, en sortent impunies.
[Citation dans l'original ►.]
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Les prémisses de ce conflit se sont mises en place depuis
longtemps[13].
Dans un témoignage devant le tribunal, en décembre 1921; le
major général Georg Maercker (depuis l'intégration de
son corps-franc dans l'armée, commandant du District militaire 4 [Wehrkreis 4]) relate que vers le 19 juillet 1919,
il avait été approché par le colonel Max Bauer qui lui exposait un projet
de putsch. Maercker rapporte[14]:
À l'époque j'ai déclinée l'invitation,
parce que je considérais l'entreprise comme vaine.
Et il résume son programme de l'époque de la façon suivante:
1. Il faut émettre
une consigne qui galvanise le peuple tout entier.
2. En aucun cas Kapp.
3. Il faudrait garder
Noske.
4. Pas de tendances
séparatistes dans les états fédéraux.
5. Rien contre
l'Entente.
6. Le Reichswehr
ne doit pas devenir une troupe prétorienne.
[Citation dans l'original ►.]
Précédemment un entretien autour de sujets similaires avait
eu lieu le 24 juin 1919, entre les généraux W. v. Lüttwitz,
Paul von Lettow-Vorbeck (cf. ►), Hans von Heuduck[15]
(qui avait été commandant d'une division dans le cadre du Corps de
tirailleurs de cavalerie de garde, laquelle ensuite à été intégrée dans la
Brigade 30), B. v. Oven ainsi que le
colonel Wilhelm Reinhard, le capitaine de corvette H. Erhardt et le capitaine W. Pabst.
Le 8 juillet, W. Kapp avait reçu l'ex-général Ernst Ludendorff, l'ex-général Otto von Below
et le chef d'état-major du Commandement de groupe 2 [Gruppenkommando 2]
in Kassel Friedrich von Loßberg[16].
Enfin, 26 juillet 1919 s'était tenue une rencontre
entre les généraux W. v. Lüttwitz, P. v. Lettow-Vorbeck, H. v. Heuduck, B. v. Oven, G. Maercker,
Heinrich von Hofmann (cf. ►), Bernhard von Hülsen (depuis l'intégration de son corps-franc
dans l'armée, commandant de la Brigade 10) et Wilhelm
von der Lippe (qui avait commandé le corps-franc Division de
protection allemande). Selon les déclarations que fera Lüttwitz
ultérieurement, les lignes directrices suivantes furent adoptées[17]:
1. Les prétendus
criminels de guerre ne doivent en aucun cas être livrés.
2. La diminution de
la Reichswehr est inadmissible, tant que le danger
bolchévique rend indispensable la quantité de troupes actuelle.
3. Il n'est pas admis
que des Indépendants entrent de nouveau au gouvernement.
4. Pour le salut de
la troupe doit être fait plus, et il doit être mieux pourvu à
l'approvisionnement des unités destinées à être congédiées.
5. L'unité du Reich
doit être préservée.
[Citation dans l'original ►.]
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Tôt le matin général W. v. Lüttwitz
avec la Brigade de marine II commandée par le capitaine de corvette H. Erhardt marche sur Berlin[18].
Pendant ce temps se tient une réunion au ministère de la
défense[19].
Les généraux B. v. Oven et M. v. Oldershausen
prononcent un avis négatif quant à la possibilité de s'opposer à la Brigade
de marine. Le chef d'état-major de l'armée major général Hans
von Seeckt, le général Georg Wetzell et le
major K. v. Hammerstein-Equord mettent en
garde contre un affrontement militaire, en argüant que[20]
en vue de l'insurrection de tous les éléments extrémistes
de gauche, à laquelle on peut s'attendre, une scission au sein de la Reichswehr doit être évité quelque soient les circonstances.
[Citation dans l'original ►.]
La décision est prise de transférer le gouvernement à
Dresde, centre du District militaire 4 commandé par le major général G. Maercker. Quelques ministres sont chargés de rester
à Berlin.
Plus tard dans la matinée W. Kapp, accompagné de Friedrich von Falkenhausen et Traugott von
Jagow (deux ex-fonctionnaires) se présente au bâtiment de
l'assemblée nationale[21].
Ils déclarent avoir assumé le pouvoir de gouvernement. Suivant l'injonction
de Kapp, le vice-chancelier Eugen Schiffer et les
autres membres du gouvernement restés sur place quittent les lieux. Kapp
désigne v. Jagow comme ministre de l'intérieur. V. Falkenhausen assume la fonction de chef der
chancellerie, mais y renoncera le lendemain.
Dans la journée le chancelier Gustav Bauer et les ministres Erich Koch, Hermann Müller, Gustav Noske et Otto
Geßler s'installent à Dresde[22].
Le major général G. Maercker reçoit un ordre de W. v. Lüttwitz de placer le président et les
ministres sous détention préventive. Maercker
n'applique pas l'ordre, mais refuse d'entreprendre une quelconque action
contre Lüttwitz. Le gouvernement décide de se rendre
finalement à Stuttgart et d'y convoquer l'assemblée nationale. Il publie un
appel à la population qui affirme que les mesures prises par Lüttwitz
et G. Kapp sont dépourvues de validité juridique[23].
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Le président de la province Prusse de l'Est August
Winnig (SPD), ainsi que le commandant pour le District
militaire 1 [Wehrkreis 1] à Königsberg, le
général Ludwig von Estorff, rallient les putschistes[24].
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•
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Un appel à la grève générale est publié (cf. ci-dessous)[25].
L'incertitude règne quant à la façon dont il a été élaboré. Le tract par
lequel il est diffusé est signé "Les membres social-démocrates
du gouvernement du Reich: Ebert. Bauer. Noske. Schlicke.
Schmidt. David. Müller. Le Comité exécutif du Parti social-démocrate: Otto
Wels". Le même jour est publié un appel: de l'ADGB
et de l'Afa. Le DBB, la Fédération des Associations de métier allemandes,
les syndicats des cheminots se joindront également à la grève générale.
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Dès le 13 mars le président Friedrich
Ebert, le premier ministre Gustav Bauer et le
ministre de la défense G. Noske (tous du SPD)
assurent vis-à-vis du major général G. Maercker,
que l'appel à la grève générale leur est attribué à tort[26].
Noske réitère ces déclarations à plusieurs reprises, le 15 mars
vis-à-vis du chef d'état-major du Commandement de groupe 2 à Kassel,
le général Friedrich von Loßberg, puis le 16 mars
vis-à-vis du commandant du District militaire 6 [Wehrkreis 6]
à Münster, le lieutenant général Oskar von Watter.
Le 15 également le premier ministre G. Bauer nie
que le gouvernement ait appelé à la grève générale. Le ministre de
l'intérieur E. Koch (DDP) adresse une lettre au
vice-chancelier E. Schiffer (DDP) dans lequel il
écrit[27]:
L'allégation, que notre gouvernement ait appelé à la
grève générale, est fausse. Il s'agit d'une mystification grossière. Bauer
l'a déclaré aujourd'hui dans une conférence de presse, et Wolff le
démentira et soulignera que l'assemblée nationale doit se réunir, et que
c'est seulement avec elle que nous prendrons une décision au sujet de
l'action contre Kapp, pour autant que cela soit encore requis.
[Citation dans l'original ►.]
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À Berlin, les courants syndicaux opposés au SPD
constituent une “direction centrale de grève de Grand-Berlin” [“Zentralstreikleitung von Groß-Berlin”] réunissant la
direction locale de l'ADGB [Berliner Gewerkschaftskommission], le KPD, l'USPD,
le conseil exécutif du conseil d'ouvriers et de soldats Grand-Berlin et la
Centrale des conseils d'entreprise d'Allemagne (cf. ►) [28].
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À Bochum (Nordrhein-Westfalen),
les mineurs ainsi que les travailleurs d'un certain nombre d'entreprises se
mettent en grève[29].
Une manifestation se déroule. Dans la nuit au 14 mars, un conseil
d'ouvriers est constitué, composé de membres des partis SPD, USPD
et KPD, trois pour chacun.
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À Frankfurt (Hessen), des
affrontements armés se produisent entre travailleurs et forces favorables
aux putschistes[30].
Il y a 14 morts.
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À Chemnitz (Sachsen) est constitué un comité exécutif
[Aktionsausschuß] provisoire, dirigé par Alfred Fellisch (SPD), Heinrich Brandler
(KPD) et Arno Bruchardt (USPD).
Le comité exécutif dissout le Secours technique et transforme la Garde
civile en Garde ouvrière.
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En Gotha, le commandant de l'armée déclare le
gouvernement, composé de membres de l'USPD, comme
destitué[31].
Le gouvernement appelle à la grève générale et à la constitution de comités
de défense et de gardes populaires. Plusieurs centaines de travailleurs
sont armées, et ensemble avec les forces de police ils investissent les
principaux bâtiments publics de la ville. Cependant le 14 mars, des
troupes de l'armée occupent la ville.
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À Rostock, est lancé l'appel à la grève générale,
notamment au chantier naval Neptun-Werft[32].
Un comité d'action [Aktionsausschuß] est formé. Des
unités armées de travailleurs sont constituées.
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Appel
signé par les ministres membres du SPD, 13 mars 1920[33]
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Travailleurs! Camarades!
Le putsch militaire s'est produit. [...]
Nous n'avons pas fait la révolution, pour reconnaitre
aujourd'hui de nouveau le régiment sanguinaire de lansquenets. [...]
Cessez le travail! [...] Luttez par tous les moyens pour
le maintien de la république. Laissez de côté toute dissension. [....]
Grève générale sur toute la ligne! [...]
Les membres social-démocrates du
gouvernement. Ebert, Bauer, Noske, Schlicke, Schmidt, David,
Müller.
Le comité directeur du Parti social-démocrate d'Allemagne.
Otto Wels.
[Citation dans l'original ►.]
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Démentis autour de l'appel à la
grève générale
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Annonce du commandant du District militaire 4 [Wehrkreis 4], Dresde, 13 mars 1920, signé Maercker, major général[34].
Je dirige à la population des territoires appartenant au Wehrkreiskommando IV, peu importe quelle attitude soit la
sienne sur le plan politique vis-à-vis des nouveaux évènements dans le
Reich, la demande pressante de ne pas perturber la vie économique par des
grèves ou tumultes quelconques. L'appel à la grève générale paru dans la
presse, signé par Ebert, Bauer, Noske etc. est, selon des informations qui
me sont parvenues de la part des signataires, inexact. Il s'agit de
surmonter de façon réfléchie la crise de gouvernement impromptue.
Conformément au devoir j'empêcherai par tous les moyens à ma disposition,
toutes les tentatives de perturber le calme et l'ordre publique ou de
paralyser des entreprises vitales.
[Citation dans l'original ►.]
Ordre du jour du général O. v. Watter,
commandant du District militaire 6 [Wehrkreis 6],
Münster, 16 mars 1920[35]
À mes troupes! L'ancien gouvernement a été chassé par le
putsch. Il n'a pas été possible d'établir une liaison avec lui. Ainsi j'ai
été contraint à prendre des décisions pour le bien de notre patrie, selon
ma propre appréciation. Pour cela, la ligne directrice était uniquement la
conscience que seul le calme et l'ordre, en particulier dans la région
industrielle, peuvent préserver notre patrie du naufrage. Après que le
ministre de la Reichswehr Noske m'a aujourd'hui assuré
par téléphone que l'ancien gouvernement n'a pas lancé l'appel funeste à la
grève générale, qu'au contraire il le condamne comme nous et qu'il fera
tout pour l'annuler, je me place donc sous l'ancien gouvernement. Cette
déclaration ne change rien à ma façon d'agir jusqu'ici. La mission qui
jusqu'à maintenant a été la mienne, de maintenir le calme et l'ordre dans
de district du Wehrkreis, m'a été renouvelée
formellement par le ministre de la Reichswehr Noske.
[Citation dans l'original ►.]
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Témoignages autour de l'appel à
la grève générale
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Témoignage de G. Maercker devant
le tribunal, 13 décembre 1921[36]
Le matin du 13 mars j'ai reçu un appel téléphonique
de Lüttwitz, que l'ancien gouvernement venait de
prendre la fuite. Un deuxième télégramme était ainsi libellé: Le
gouvernement s'est tiré. À midi, à 1 heure, j'ai avisé le ministre
Noske que le gouvernement à Dresden se trouve sous ma
protection, que je n'obéirai cependant que les ordres du général Lüttwitz. Monsieur Noske ne pouvait de toute façon pas
commander. Il n'avait même pas de bureau. Le ministre démocrate Koch
s'entretint avec moi. Le monsieur était très excité et je trouvais son
comportement bizarre. Comment moi en tant que général j'en venais à devoir
écouter des opinions de la part de ministres civils quelconques. J'étais
horrifié, lorsque la grève générale fut déclarée. À mes questions, Noske,
Bauer et Ebert déclaraient qu'ils n'avaient pas lancé un tel appel.
Immédiatement j'ai déclaré par une proclamation que les signatures des
ministres étaient falsifiées, que j'interdisais la grève générale, et que
quiconque appellerait à la grève générale devait être arrêté ou fusillé.
Monsieur Bauer promit un démenti concernant leurs signatures. Rien de la
sorte n'arriva.
[Citation dans l'original ►.]
Récit de G. Noske[37]
Pendant que le gouvernement du Reich, refusant la lutte
sanglante, éludait le raid de la brigade Ehrhardt, la
grève générale contre le putsch éclata d'un seul coup dans tout le Reich.
Voici ce que je sais de la façon dont l'appel s'est produit: Rauscher
était présent dans ma chambre pendant la discussion avec les généraux, au
sujet de la question s'il fallait lutter contre la brigade Ehrhardt.
Il avait entendu que je refusais toute négociation et déclarait qu'il sera
tenté par tous les moyens d'écraser le putsch. Pendant la session de nuit
dans la chancellerie Rauscher a rédigé un projet
d'appel à la grève générale et me l'a montré. En bas, il avait apposé, en
crayon, les noms des personnes susceptibles de signer. Une discussion du
projet n'a pas eu lieu en ma présence.
[Citation dans l'original ►.]
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Appel
de l'ADGB et de l'AfA-Bund,
13 mars 1920[38]
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En avant à la grève générale! À tous les travailleurs,
employés et fonctionnaires! Hommes et femmes!
La réaction militaire a de nouveau levé la tête et
accaparé le pouvoir à Berlin. [...] Les réactionnaires [...] s'apprêtent à
éliminer aussi les conquêtes de la révolution de novembre 1918.
La république allemande est en danger. [...]
Nous appelons donc tous les travailleurs, employés et
fonctionnaires de rejoindre partout la grève générale, en protestation
unanime contre tyrannie. Toutes les entreprises doivent être bloquées.
Uniquement font exception les centres d'eau, les hôpitaux et les centres
d'assurance maladie. Les représentations locaux compétentes des
travailleurs décideront, dans quelles autres entreprises vitales il est
admis de continuer le travail. [...]
[Citation dans l'original ►.]
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Le gouvernement entreprend les préparatifs pour son
transfert à Stuttgart[39].
Il diffuse un appel pour affirmer qu'il n'a pas abdiqué, et pour insister
sur l'ampleur du soutien dont il considère bénéficier. (Cf. ci-dessous.) On
note que parmi ces soutiens qui "se tiennent fermement derrière le
gouvernement constitutionnel", l'appel mentionne en particulier les
unités du District militaire 6 (district de la Ruhr), celui de W. v. Watter.
Le major général G. Maercker
annonce qu'il s'apprête à se rendre à Berlin afin de négocier avec le
général W. v. Lüttwitz. Avant son départ il
adresse une lettre au président[40].
Il indique que l'objectif de sa démarche est:
d'amener le nouveau gouvernement à rétablir une situation
conforme à la constitution
Et il énumère les exigences que l'ancien gouvernement
devrait satisfaire à titre de conditions préalables impératives:
1.
Formation d'un gouvernement de coalition sur une base aussi large que
possible, pour autant que possible avec la participation de membres du
gouvernement actuel de Berlin.
2. Fixation
rapprochée d'élections.
3. Élection du président
du Reich par le peuple et non pas par le Reichstag.
[Citation dans l'original ►.]
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À Schwerin (Mecklenburg-Schwerin), le général P. v. Lettow-Vorbeck, commandant de la
Brigade 9 de la Reichswehr, met ses troupes au
service des putschistes. Il reçoit l'ordre de W. Kapp et W. v. Lüttwitz, d'assumer le pouvoir exécutif en
tant que commandant militaire en Mecklenburg-Schwerin
et Mecklenburg-Strelitz, qui font partie de son rayon
de commandement[41].
Outre Mecklenburg, le périmètre sous commandement de Lettow-Vorbeck
comprend également Schleswig-Holstein et Hambourg.
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Le général P. v. Lettow-Vorbeck
prend également contact avec le commandant de corps-franc lieutenant en
chef Gerhard Roßbach à Berlin et lui ordonne d'amener
ses troupes à Schwerin.
La “section d'assaut volontaire Roßbach” [“Freiwillige Sturmabteilung Roßbach”]
avait été constituée en hiver 1918/19 par le lieutenant en chef Gerhard Roßbach à Danzig[42].
Elle avait été dissoute par les autorités de Prusse le 28 janvier
1920, mais ses membres étaient restés mobilisés en se dispersant sur les
propriétés agricoles de Mecklenburg, et le groupe de commandement s'était
installé à Berlin. Durant le putsch Lüttwitz-Kapp,
le corps-franc est intégré dans l'armée par W. v. Lüttwitz
et P. v. Lettow-Vorbeck en tant que
Bataillon de chasseurs 37.
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À Stettin (Pommern) (Szczecin,
aujourd'hui en Pologne), le commandant du District militaire 2 [Wehrkreis 2], le général Robert von
Bernuth, rallie les putschistes[43].
Les travailleurs organisent la résistance, saisissent les armes de
différentes unités de la police et de l'armée, et constituent une garde
ouvrière atteignant un effectif de plusieurs milliers d'hommes. Un rôle
important revient aux travailleurs de la Vulkan-Werft.
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Le commandant de la station de marine à Kiel, le
vice-amiral Magnus von Levetzow se rallie aux
putschistes[44].
C'est à Kiel qu'est stationnée la Marine-Brigade III commandée par le
capitaine de corvette Wilfried von Loewenfeld.
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À Elberfeld (aujourd'hui
Wuppertal) (Nordrhein-Westfalen) parait un appel à la
grève générale signé par les directions de district de l'USPD,
du SPD, et du KPD Bas-Rhin[45].
Il indique comme objectifs de la grève la dictature du prolétariat (cf.
ci-dessous).
Le lieutenant général O. v. Watter
donne l'ordre à ses formations d'occuper les centres de la Ruhr et du Bergisches Land. Une opération est mise en oeuvre
contre Hagen par les corps-francs commandés respectivement par le
capitaine Otto Lichtschlag, le major Hans
von Lützow, le major Siegfried Schulz, ainsi
que le corps-franc Hacketau commandé par Walter Stennes[46].
O. v. Watter ne se prononce
pas publiquement en faveur des putschistes, mais il diffuse un télégramme
aux commandants des corps-francs qui lui sont rattachés[47]:
Me suis désolidarisé de l'ancien gouvernement, mais ne
peux pas, à cause de l'ambiance parmi le peuple, me placer sur le terrain
du nouveau gouvernement.
[Citation dans l'original ►.]
Ses commandants, eux, manifestent ouvertement leur soutien
au "nouveau gouvernement".
À Dortmund (Nordrhein-Westfalen),
la nuit du 13 mars, puis le 14 mars, la police et la garde de
sécurité tuent plusieurs travailleurs[48].
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À Leipzig, l'USPD appelle à des
rassemblements dans différents quartiers de la ville et à une manifestation[49].
La manifestation est attaquée par des unités du régiment de volontaires
temporaires (créé le 13 mai 1919) et du Régiment 37 de l'armée,
sous le commandement du général Senfft von Pilsach.
Plus de 40 manifestants sont tués.
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En Bavière, le gouvernement présidé par Johannes
Hoffmann (SPD) démissionne[50].
Hoffmann avait dirigé un premier gouvernement formé le 17 mars 1919,
puis un gouvernement remanié constitué le 31 mai 1919. Le commandant
suprême de la Reichswehr en Bavière, le général major Arnold von Möhl, le préfet de police de Munich Ernst Pöhner, le premier ministre de Haute-Bavière Gustav von Kahr et le président de la garde civile [Einwohnerwehr] de Bavière, Georg Escherich,
exigent que le pouvoir exécutif soit assumé par Möhl.
Le gouvernement, contre la voix de Hoffmann mais avec les voix des autres
ministres SPD, charge effectivement Möhl du pouvoir
exécutif pour la région de Munich et désigne Kahr
comme commissaire du gouvernement. Le 16, un gouvernement présidé par Kahr, sans participation du SPD, sera constitué.
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À Selb (Bavière) est constitué
un comité exécutif [Vollzugsausschuß] par SPD, USPD et KPD, avec trois membres respectivement pour chacun
des partis[51].
À Hof (Bavière) est constitué un conseil exécutif [Vollzugsrat]
à l'initiative de Max Blumtritt (USPD)[52].
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Des troupes de l'armée occupent Gotha[53].
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Appel du gouvernement,
14 mars 1920[54]
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Au peuple allemand!
Il n'est pas vrai que le gouvernement constitutionnel du
Reich ait abdiqué. Le gouvernement constitutionnel du Reich ne songe pas à abdiquer.
[...]
Faites en sorte que cette dictature militaire, de par sa
propre inanité, s'écroule aussi vite que possible. [...]
Tous les gouvernements des Länder,
les présidents de l'ouest de la Prusse, les fédérations centrales des
travailleurs et employés allemands [...] l'ensemble des unités de la Reichswehr de l'Allemagne du Sud et une série d'unités
prussiennes, parmi eux le commandement du Wehrkreis Watter (district de la Ruhr),
particulièrement important, se tiennent fermement derrière le gouvernement
constitutionnel.
[Citation dans l'original ►.]
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Appel
du KPD, 14 mars (extraits)
(Pour le texte complet, cf.
Documents ►)
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Les consignes générales de la lutte contre la dictature
militaire sont:
À bas la dictature militaire! À bas la démocratie
bourgeoisie!
Tout le pouvoir aux conseils d'ouvriers!
Vos prochaines revendications sont:
Démission immédiate du gouvernement Kapp-Lüttwitz,
désarmement et dissolution de la Reichswehr, de la
police de sécurité, des gardes civiles, des unités de volontaires
temporaires. Saisie immédiate de toutes les armes de la bourgeoisie.
Formation d'une garde ouvrière fiable, révolutionnaire sous contrôle des
conseils d'ouvriers. Libération de tous les prisonniers politiques. [...]
Pour engager la lutte menez la grève générale. Pour
conduire la lutte formez-vous aussitôt en conseils d'entreprise. Regroupez
les conseils d'entreprise en conseils d'ouvriers, en assemblées plénières,
qui dirigent la lutte. Sous la forme des conseils d'ouvriers créez de
nouveau pour vous des organes à travers desquels vous pouvez établir votre
volonté commune et mener des actions communes.
[Citation dans l'original ►.]
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Appel publié à Elberfeld,
signé au nom des directions de district Bas-Rhin, de l'USPD,
du SPD et du KPD, 14 mars) [55]:
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À l'ensemble des travailleurs, employés et fonctionnaires
de Rheinland et Westfalen!
Après que la réaction a réussi, par un putsch
provisoirement réussi à Berlin, d'instaurer un gouvernement
contrerévolutionnaire, les partis socialistes du district Niederrhein
s'engagent à se dresser en bloc, avec toutes leurs forces, pour la lutte
contre le gouvernement de Kapp nouvellement formé. La lutte unitaire doit
être menée avec l'objectif de:
1. Conquête du pouvoir politique par la dictature
du prolétariat, jusqu'à la victoire du socialisme sur la base du système de
conseils.
2. Socialisation immédiate des entreprises mures à
cet effet.
Pour atteindre cet objectif, les partis socialistes
signataires appellent tous les travailleurs, fonctionnaires et employés
d'entamer en bloc la grève générale, lundi 15 mars. [...]
[Citation dans l'original ►.]
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Appel publié à Hagen (Nordrhein-Westfalen), signé au nom des directions locales
de Hagen-Schwelm, de l'USPD, du
SPD et du KPD, 14 mars [56]
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À l'ensemble des travailleurs, employés et fonctionnaires
du district Hagen-Schwelm
Après que la réaction a réussi, par un putsch
provisoirement réussi à Berlin, d'instaurer un gouvernement
contrerévolutionnaire, les partis socialistes de Hagen-Schwelm
s'engagent à se dresser en bloc, avec toutes leurs forces, pour la lutte
contre le gouvernement de Kapp nouvellement formé. Cette lutte unitaire
doit être menée en vue de la conquête du pouvoir politique! L'objectif
c'est la domination des travailleurs de la main et de la tête en opposition
à la dictature du capital, jusqu'à la victoire du socialisme. Le système de
conseils est la base de l'édification socialiste.
[Citation dans l'original ►.]
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Le général W. v. Lüttwitz
publie deux décrets[57].
Le premier interdit les grèves dans les entreprises
"importantes pour l'économie nationale"[58]:
Décret pour la sécurisation d'entreprises importantes
pour l'économie nationale.
[...]
§ 1. Les personnes
occupées (travailleurs et employés) dans des entreprises importantes pour
l'économie nationale ne sont pas autorisées, sauf en cas d'incapacité de
travail prouvée, ni à cesser ou refuser le travail, à s'absenter ou à
entreprendre de contrecarrer par leur absence la réalisation du but du
travail, ni à changer le lieu de travail sans l'accord de l'employeur ou
supérieur hiérarchique.
[...]
§ 3. Durant la
période de validité de ce décret, des modifications du temps de travail ou
du salaire ne doivent pas avoir lieu.
[...]
[Citation dans l'original ►.]
L'autre est dirigé contre l'entrave à la liberté du travail[59]:
Décret pour la protection de la paix au travail
[...]
§ 1. Celui qui
entreprend d'empêcher un autre ‑ par la force ou la menace, en
jetant le discrédit ou en le menaçant d'autres préjudices de nature non
négligeable ‑ à assumer ou poursuivre des travaux qui sont
requis pour le maintien ou le rétablissement de la vie économique, sera
puni par la prison d'une durée d'au moins six mois.
[...]
[Citation dans l'original ►.]
Kapp fait suivre ces décrets d'un autre, stipulant la peine
de mort pour les meneurs et les participants de piquets de grève[60].
Décret
§ 1. Les meneurs qui se rendent coupables d'actes
sanctionnés par le décret pour la sécurisation d'entreprises importantes
pour l'économie nationale et par le décret pour la protection de la paix au
travail, seront, de même que les participants aux piquets de grève,
subiront la peine de mort.
[Citation dans l'original ►.]
Le décret de Kapp est révoqué avant son entrée en vigueur,
suite à des positions défavorables exprimées par des représentants de
l'industrie, qui le jugent inopportun[61].
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Le gouvernement se trouve établi à Stuttgart. Le ministre de
la défense G. Noske séjourne chez Paul Hahn, commandant des troupes de
sécurité (cf. janvier 1919 et mars-avril 1919)[62].
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À Schwerin (Mecklenburg/Vorpommern)
se produit un affrontement entre des manifestants et des troupes du général
P. v. Lettow-Vorbeck[63].
Il y a 15 morts parmi les manifestants.
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À Chemnitz (Sachsen), sur proposition du KPD, dans
les usines sont élus des Conseils d'ouvriers[64].
Une assemblée de ces conseils, réunissant environ 1500 ouvriers, élit
un conseil exécutif [Vollzugsrat] qui assume le
pouvoir politique et exécutif. Il est composé de la manière suivante:
10 KPD, 9 SPD, 1 USPD, 1 DDP. Il
existera jusqu'à fin avril.
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À Dresde (Sachsen), sur ordre du général Alfred
Müller, adjoint du major général G. Maercker, et
avec l'accord du premier ministre de Saxe, Georg Gradnauer
(SPD), des troupes attaquent une manifestation contre les putschistes[65].
Il y a 59 morts.
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À Altona (aujourd'hui Hamburg),
est stationné le corps-franc du colonel Curt von Wangenheim,
et celui du capitaine Rudolf Berthold le rejoint[66].
À Harburg (aujourd'hui Hamburg)
les travailleurs participant à la grève générale contre le putsch Lüttwitz-Kapp ensemble avec des soldats attaquent
victorieusement le corps-franc de Berthold. Il y a 14 morts,
principalement des travailleurs: Berthold lui-même est tué.
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À Gera (Thüringen) un affrontement éclate entre
manifestants et formations militaires putschistes[67].
Il y a 15 morts.
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À Düsseldorf (Nordrhein-Westfalen)
est instauré depuis le 17 janvier l'état d'exception renforcé, avec
des restrictions adoptées le 6 mars[68].
Le 15 mars le lieutenant général O. v. Watter,
sur la base des pouvoirs qui lui avaient été conférés par décret du
président en janvier et suite à un ordre du Commandement de groupe 2
du 13 mars, étend l'état d'exception renforcé à la partie de
Westphalie relevant de son commandement. L'état d'exception sera levé
seulement en juin, après les élections à l'assemblée nationale.
À Wattenscheid (aujourd'hui Bochum), Herne, et
Wanne-Eickel (aujourd'hui Herne) (Nordrhein-Westfalen)
les mineurs sont en grève[69].
La Batterie Hasenclever ‑ une
unité du corps-franc Lichtschlag ‑ entre à Wetter (Nordrhein-Westfalen)[70].
Cette troupe est encerclée et décimée par des travailleurs opposés au
putsch. 7 travailleurs sont tués durant les combats.
À Dortmund (Nordrhein-Westfalen),
la police intervient contre la population, elle ouvre le feu et cause six
morts[71].
À Duisburg (Nordrhein-Westfalen) des
affrontements durant les 15 et 16 mars causent 18 morts. À Düsseldorf,
des actions de troupes gouvernementales causent de nombreux morts.
À Hagen (Nordrhein-Westfalen),
KPD, USPD et SPD forment un comité d'action auquel se
joindront ultérieurement DDP, Zentrum ainsi que des
représentants des syndicats[72].
La direction de la garde ouvrière est assumée par KPD et USPD.
Les comités d'action formés à Haspe, Wetter,
Vorhalle, Volmarstedt et Boele sont rattachés à la direction
centrale à Hagen.
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Le gouvernement établi à Stuttgart publie une proclamation
qui explique notamment[73]:
Le gouvernement du Reich condamne la grève générale dans
les territoires ou la population, les autorités militaires et civiles se
placent sur le terrain du gouvernement constitutionnel. Il souhaite
l'organisation de la grève générale par tous les moyens dans les
territoires ou s'est produit une attitude favorable aux exécutants du coup
d'état.
[Citation dans l'original ►.]
Le chancelier Gustav Bauer diffuse un télégramme
concrétisant cette orientation[74]:
Sollicitons les mineurs de reprendre l'extraction,
puisque dans la région de la Ruhr autorités publiques se placent du côté du
gouvernement démocratique constitutionnel.
[Citation dans l'original ►.]
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Le ministre de la défense G. Noske expose au major
général G. Maercker les conditions de capitulation posées par le
gouvernement à Lüttwitz-Kapp[75]:
1. Démission
immédiate de Kapp et de Lüttwitz
et des nouveaux ministres.
2. Subordination
des troupes sous le général von Seeckt ou un général
qui n'a pas participé à la révolte et qui se place sur le terrain de la
constitution.
[...]
[Citation dans l'original ►.]
G. Maercker les transmet par
téléphone à Berlin et obtient la réponse[76]
que W. Kapp et W. v. Lüttwitz
ont déclaré expressément être prêts à:
céder la place si la certitude est créée que des points
majeurs de leur programme seront mis en oeuvre.
[Citation dans l'original ►.]
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Après la déroute infligée à la Batterie Hasenclever
la veille, les insurgés avancent vers Herdecke
(Nordrhein-Westfalen) où se trouve une formation du
corps-franc Lichtschlag[77].
Par la suite, les forces principales de ce corps-franc sont prises dans une
bataille près d'Aplerbeck (aujourd'hui partie de Dortmund) puis encerclées à Dortmund. Le
17 mars, la presque totalité des membres du corps-franc seront fait
prisonniers, quelques-uns ‑ dont Lichtschlag ‑
réussissent à s'échapper.
Durant ces combats est constituée à Hagen une
direction militaire des forces armées de travailleurs, pour le district
oriental[78].
À Wattenscheid (aujourd'hui Bochum) (Nordrhein-Westfalen)
des affrontements armés ont lieu, il y a 7 morts[79].
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À Potsdam (Brandenburg), où des
troupes putschistes occupent des bâtiments publics, un affrontement éclate
entre des manifestants et des partisans du putsch[80].
Il y a 4 morts.
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À Halle an der Saale (Sachsen-Anhalt) le commandant
de la garnison colonel Hermann Czettritz, qui s'est
rallié aux putschistes, proclame l'état d'exception[81].
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Le président F. Ebert déclare la transformation de
l'état de siège en vigueur en Saxe, en état d'exception selon la
constitution du Reich[82].
Le pouvoir exécutif revient au gouvernement national. Celui-ci confère au
général A. Müller le commandement des troupes en Saxe. Le lendemain,
le gouvernement local publiera un appel dans lequel il déclare qu'il agira
ensemble avec l'armée et les gardes civiles pour le maintien de l'ordre et
contre des activités subversives communistes.
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Après l'occupation de la chancellerie par les putschistes,
le gouvernement était représenté à Berlin notamment par le ministre du
travail Alexander Schlicke et le vice-chancelier et
ministre de la justice E. Schiffer. Ce dernier,
sans mandat explicite de la part du gouvernement, mène des négociations
avec les putschistes.
C'est ainsi que des discussions ont lieu le 16 mars[83].
Elles concernent notamment les exigences des putschistes, formulées par W. v. Lüttwitz de la manière suivante[84]:
1. Nouvelles élections dans un délai de
2 mois.
2. Élection du président du Reich dans un délai
de 2 mois.
3. Union personnelle entre le chancelier du Reich
et le premier ministre prussien.
4. Formation d'un cabinet de ministres
spécialisés dans le Reich et en Prusse.
5. Création d'une 2e chambre au niveau du
Reich par ampliation de la loi sur les conseils d'entreprises pour en faire
une chambre corporative.
6. Amnistie à partir du 9 novembre 1919.
7. Arrêt de la grève générale.
8. L'ancien gouvernement doit reconnaitre que le
13 mars, l'armée est seulement intervenu pour le maintien de la
constitution et la sécurisation de l'approvisionnement en vivres.
[Citation dans l'original ►.]
Il est envisagé de soumettre aux putschistes la proposition
suivante pour le règlement du conflit[85]:
Kapp démissionne.
Lüttwitz renonce au commandement
suprême, le gouvernement nomme un autre commandant suprême.
Le représentant du chancelier du Reich fera les
propositions suivantes en direction des instances compétentes:
Il sera recommandé à l'assemblée nationale de se
dissoudre au plus tard 4 semaines après s'être réuni;
élection du président du Reich par le peuple;
prompt remaniement du cabinet.
Le ministre de la justice du Reich interviendra auprès
de l'assemblée nationale en faveur d'une amnistie générale.
[Citation dans l'original ►.]
Les putschistes rejettent ces propositions. Les
représentants du SPD y sont opposés puisqu'ils craignent de se trouver en
contradiction avec la base de leur parti.
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Les putschistes tiennent une session au cours de laquelle
ils décident le renoncement de Kapp[86].
Sur cette base ils sollicitent des négociations. Schiffer se réunit alors
avec des représentants des gouvernements du Reich et de Prusse ainsi que
membres de différents partis. Le vice-chancelier E. Schiffer,
en accord avec le ministre de l'Intérieur E. Koch, de même que les
membres du SPD, refusent d'entamer des négociations. Une délégation
composée de députés rencontre le général W. v. Lüttwitz
et le capitaine W. Pabst. Comme condition pour son renoncement, Lüttwitz exige l'assurance d'une amnistie. Schiffer avait
déjà la veille donné l'assurance qu'une loi d'amnistie sera adoptée, ce à
quoi les représentants des partis donnent maintenant leur accord.
Finalement Lüttwitz fait transmettre à Schiffer la
demande de départ à la retraite suivante[87]:
Après que j'ai acquis l'a certitude, suite aux
explications des dirigeants des groupes à l'assemblée, que des nouvelles
élections vont avoir lieu dans quelques semaines, qu'il est assuré que
l'élection du président du Reich conformément à la constitution, se fera par
le peuple et qu'un remaniement du gouvernement sera effectué, je me suis
décidé, afin d'amener la paix interne, à solliciter mon congé.
[Citation dans l'original ►.]
Aux autorités militaires, Lüttwitz
annonce son retrait de la façon suivante[88]:
Le danger bolchévique qui menace de façon immédiate,
exige le regroupement solide de tous les hommes patriotes pour le maintien
du calme et de l'ordre dans le Reich. Ma personne ne doit pas être un
obstacle à ce regroupement. Après que des dirigeants de tous les partis à
l'exception de l'USPD se sont, pour l'essentiel,
déclaré d'accord pour mettre en oeuvre mes demandes,
je considère que ma tâche est remplie et je démissionne de mon poste de commandant
suprême. Les troupes concentrées à Berlin et aux alentours sont
subordonnées comme avant au commandement du Wehrkreis III.
[Citation dans l'original ►.]
Le représentant du chancelier au nom du président accepte la
requête de W. v. Lüttwitz et charge de la
conduite provisoire des affaires du commandement suprême militaire le major
général Hans von Seeckt.
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Le vice-chancelier E. Schiffer
fait annoncer que W. Kapp s'est retiré, que W. v. Lüttwitz
a demandé d'être congédié et que le major général H. v. Seeckt
a été chargé d'assumer provisoirement la fonction de commandant suprême
militaire dans le périmètre du Commandement de groupe 1[89].
Il informe en outre qu'un accord a été établi entre des dirigeants des
partis de la majorité gouvernementale ainsi que du DVP
et du DNVP[90]:
1. les élections au
Reichstag se tiendront au plus tard en juin 1920;
2. l'élection du
président du Reich s'effectue conformément à la constitution par le peuple;
3. Il est considéré
qu'un prompt remaniement du gouvernement est requis.
[Citation dans l'original ►.]
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Les 16 et 17 mars des affrontements se produisent
à Elberfeld (aujourd'hui Wuppertal) (Nordrhein Westfalen) entre travailleurs et armée[91].
Il y a 49 morts.
Les unités armées de travailleurs d'environ 10 000
hommes occupent Dortmund et établissent des bases à Ahlen,
Beckum et Hamm[92].
Des affrontements ont lieu à Barmen.
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Appel du groupe du SPD à
l'Assemblée nationale, 17 mars 1920[93]
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Travailleurs et citoyens en ville et à la campagne!
La première victoire contre les rebelles réactionnaires
en ville et à la campagne a été remportée! Kapp et Lüttwitz ont démissionné sans condition! Ils ont fini comme
ils ont commencé, avec un mensonge! Le gouvernement républicain n'a pas
négocié avec ces criminels, ni ne leur a concédé la moindre chose. [...]
Cependant des réactionnaires, Junkers et militaires, continuent à menacer
l'état populaire allemand. C'est contre aux que se dirige la suite de la
lutte, jusqu'à ce que eux aussi se soumettent sans condition. Pour ce grand
objectif il faut resserrer encore plus étroitement et solidement le front
républicain. La grève générale, si elle se prolonge encore, n'atteint pas
seulement ceux qui commettent la haute trahison mais aussi notre propre
front. [...] Donc, arrêt de la grève populaire! [...]
[Citation dans l'original ►.]
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À Nuremberg (Bavière) un affrontement entre
manifestants et armée éclate[94].
Il y a 22 morts.
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À Halle/Saale (Sachsen-Anhalt) des affrontements
armés se produisent entre les troupes du colonel Hermann
Czettritz et les forces opposées aux putschistes[95].
Ils se poursuivront jusqu'au 22 mars.
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À Rostock (Mecklenburg/Vorpommern),
les formations de travailleurs armés infligent une défaite à une section de
volontaires contrerévolutionnaires d'environ 100 hommes, qui sont
désarmés[96].
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