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Le 26 décembre 1922 les Puissances alliées vainqueurs
avaient constaté, contre la voix du représentant d'Angleterre, un
non-accomplissement intentionnel [vorsätzliche
Nichterfüllung] des livraisons de bois de la part de l'Allemagne, et
notifié cette position aux gouvernements concernés[1].
En se référant à ce constat, les gouvernements français et belge avaient
annoncé, le 10 janvier, leur intention d'occuper la Ruhr.
Le 11, des troupes françaises et belges entrent dans Essen et
Gelsenkirchen (Nordrhein-Westfalen)[2].
Dans les jours suivants, l'occupation sera étendue jusqu'à Bochum et
Dortmund (Nordrhein-Westfalen).
Le président et le gouvernement publient un appel "au
peuple allemand", qui affirme notamment[3]:
De manière d'autant plus urgente est adressé l'appel à
tous les compatriotes: N'aggravez pas le sort des compatriotes les plus
durement frappés. Accomplissez avec la volonté droite et la tête claire
l'exigence du jour: aucun acte ne doit survenir qui nuise à notre cause
juste. Celui qui se laisserait entrainer à faire le jeu de l'ennemi par un
acte irréfléchi, se rendrait coupable de la plus grave faute.
[Citation dans l'original ►.]
La position ainsi annoncée consistera à éviter tout soutien
aux forces d'occupation françaises et sera désignée comme celle de la
“résistance passive”.
Dans le cadre de la définition du statut du Rheinland
par le Traite de Versailles avait été créée la Haute commission interalliée
des territoires rhénans (HCITR), composée de commissaires des puissances
victorieuses alliées, chargée de fixer la politique d'occupation[4].
C'est un organe civil à laquelle les instances militaires au Rheinland
sont subordonnées. Elle peut édicter des décrets impératifs autant pour les
troupes d'occupation que pour l'administration allemande.
L'entrée de troupes dans la Ruhr est effectuée sous l'égide
de la Mission Interalliée de Contrôle des Usines et des Mines (MICUM)[5].
La MICUM est composée d'ingénieurs délégués de la HCITR, de ministères et
de l'industrie privée, mais est indépendant de la HCITR.
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Discours
du président du Reich Friedrich Ebert à Karlsruhe, 12 janvier[6]
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Nous faisons opposition contre les actes sanguinaires,
contre l'accablement et la tourmente physiques et mentaux à l'encontre
d'une population pacifique, travailleuse et endurant sévèrement, nous
appelons le monde en témoin de ce qui arrive quotidiennement dans le
territoire occupé comme actes de brutalité, d'arbitraire inhumain. Pour
nous, Allemands, cependant, qui sommes tous fils d'une terre mère et d'une
patrie, c'est un devoir sacré de rester solidaires envers nos frères et soeurs opprimés, de leur prêter secours quand ils refusent
de rendre des services d'esclave aux intrus, de les aider à surmonter les
dures jours de domination étrangère. Avec des sentiments de gratitude
profonde nous dirigeons nos pensées vers les fonctionnaires, les
travailleurs et les entrepreneurs qui avec dévouement fidèle ont mis en jeu
leur liberté et leur existence et les mettent en jeu chaque jour de
nouveau, afin de faire échouer les atteintes ennemies. Ce qu'ainsi ils ont
fait pour le peuple allemand, nous nous en souviendrons toujours! Dans ces
journées, où une force étrangère a fait irruption dans notre pays, tout ce
qui nous sépare sur le plan de la conception du monde et de l'opinion
politique, doit passer au second plan.
[Citation dans l'original ►.]
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Wilhelm Cuno (sans parti), chancelier
depuis le 22 novembre 1922, réitère dans un discours à l'assemblée
nationale la position exprimée le 11[7]:
Contre la force qui ainsi est exercée contre un peuple
sans défense, le gouvernement allemand proteste solennellement devant le
monde entier. Il ne peut pas se défendre contre cette force. Mais il n'est
pas disposé à se soumettre à cette rupture de la paix ou encore moins à
coopérer, comme on voudrait, à la mise en oeuvre des
intentions françaises.
[Citation dans l'original ►.]
Il annonce la suspension des paiements de réparations aux
états participants à l'occupation de la Ruhr.
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Le ministre des transports Wilhelm Groener
(sans parti), donne des instructions au personnel de la Reichsbahn
et de l'administration nationale des voies navigables [Reichswasserstraßenverwaltung],
interdisant le transport de charbon destiné à la France et à la Belgique[8].
Plus fondamentalement, le gouvernement national en commun avec les
gouvernements régionaux adresse des directives aux fonctionnaires dans les
territoires occupés[9]:
L'action des gouvernements français et belge dans la
région de la Ruhr constitue une violation grave du droit international
public et du Traité d Versailles. Par conséquent les ordres et instructions
adressés à des fonctionnaires allemands dans la poursuite de cette action,
sont dépourvus de validité juridique. C'est pourquoi les gouvernements du
Reich, de Prusse, Bavière, Hessen et Oldenburg donne
comme directive de ne donner aucune suite aux instructions des puissances
occupantes, mais de respecter les directives de leur propre gouvernement. [...]
[Citation dans l'original ►.]
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À Düsseldorf (Nordrhein-Westfalen)
les troupes françaises occupent la Reichsbank[10].
Suivra l'occupation de la gare centrale, le 25, et des locaux de la Reichsbahn dans le port et la cour douanière [Zollhof],
le 30.
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Appel du syndicat des chemins
de fer, 21 janvier 1923 (extrait)[11]
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[...]
1. Toute intervention dans l'administration et
l'opération de notre chemin de fer doit être stoppée.
2. Les personnes non habilitées ne doivent pas
entrer dans nos bureaux en contravention aux règlements de
l'administration.
3. La surveillance par des militaires armés ne doit
pas avoir lieu.
4. Les salles publiques ne doivent pas être
investies par des militaires. Le non-respect de toutes ces règles rend
impossible l'exercice règlementaire de notre service.
5. Que soit respecté le principe: Le chemin de fer
allemand aux cheminots allemands!
[...]
Les décrets du ministère des transports sont clairs et
nets. Nos collègues doivent les respecter. Si cela n'est pas possible,
alors il leur faut cesser le service et abandonner leur poste, jusqu'à ce
que les exigences énumérées ci-dessus soient satisfaites.
[Citation dans l'original ►.]
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Est édictée la loi sur la déclaration de la validité
générale de conventions collectives [über die Erklärung der
allgemeinen Verbindlichkeit von Tarifverträgen].
Cf. le texte de la loi ►.
Cette loi modifie le décret sur les conventions collectives,
les comités de travailleurs et d'employés et la conciliation relative aux
litiges du travail du 23 décembre 1918, qui avait déjà été modifié une
première fois le 31 mai 1920, et le sera encore le 28 février
1928.
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Après l'appel lancé par le gouvernement pour une solidarité
financière face à l'occupation de la Ruhr, l'Union nationale de l'industrie
allemande (RDI) prend l'initiative de proposer aux syndicats de créer en
commun un fonds destiné au soutien à la population des territoires occupés[12].
Le 24 janvier est ainsi est constitué le dénommé “aide à la Ruhr” [“Ruhrhilfe”]; les travailleurs, employés et fonctionnaires
sont sollicités pour contribuer à la hauteur d'un salaire horaire par
semaine, les employeurs par le quadruple. La direction de l'ADGB
décide avec 33 voix contre 14, de déléguer un représentant pour
le comité de gestion de ce fonds. Cependant la réalisation pratique échoue
à cause de réticences considérables de la part des organisations locales.
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Le gouvernement de Bavière instaure l'état
d'exception, qui sera levé le 5 février.
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Intervention de Rudolf
Breitscheid (SPD) à l'Assemblée nationale, le 26 janvier 1923
(extraits)[13]
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Actuellement, dans la riposte à l'attaque sr la région du
Ruhr nous nous trouvons aux côtés des partis bourgeois. [...] Nos
présupposés dont nous partons en rapport avec notre position, sont d'autres
que vos présupposés, et nous ne savons pas si nos objectifs ultimes dans
cette riposte sont les mêmes que les vôtres. [...] Nous nous gardons de
laisser resurgir de nouveau d'une manière quelconque l'idée de la trêve,
car trêve ne signifie rien d'autre que silence d'église.
[Citation dans l'original ►.]
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Le NSDAP tient son premier congrès à
Munich[14].
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En Saxe, le 14 septembre 1922, le parlement
s'était dissout contre les voix du SPD et de l'USPD[15].
Aux élections du 5 novembre 1922, le SPD avait obtenu 41,78 % des
voix. Le premier ministre Wilhelm Buck (SPD) avait été reconduit dans son
poste à la tête d'un gouvernement SPD minoritaire. Le 30 janvier, une
motion de censure introduite par le KPD obtient une majorité. Le
gouvernement démissionne mais reste en place à titre provisoire.
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Entre le ministre de l'intérieur prussien Carl
Severing (SPD) et le ministre de la défense Otto
Geßler (DDP) un accord est conclu par lequel le gouvernement vise à
établir un contrôle sur l'organisation des unités militaires non intégrées
officiellement dans l'armée[16].
À la suite des difficultés qui se manifestent quant à l'application de
l'arrangement dans le sens voulu par Severing, un
accord complémentaire sera adopté le 30 juin, fixant des lignes
conductrices en la matière.
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Des troupes françaises occupent Offenburg, Appenweier et Bühl (Baden-Württemberg)[17].
Elles évacueront ces localités le 18 aout 1924.
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Dans la Sarre, 72 000 travailleurs des mines ‑ c'est-à-dire
la quasi-totalité ‑ se mettent en grève[18].
Le mouvement durera 100 jours. Le 15 mai, le travail reprendra
progressivement.
Le 2 mai, la commission gouvernementale de la Sarre
avait édicte un décret définissant des mesures répressives contre des
actions de grève (cf. ci-dessous).
Note: Le traité de Versailles inclut des clauses concernant
la Sarre (articles 45‑50) avec une annexe dont le § 16 instaure
une commission chargée du gouvernement de cette région.
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Décret de la commission
gouvernementale de la Sarre, 2 mai 1923[19]
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•
|
[...] la commission de gouvernement décrète ce qui suit:
[...] Le § 152 du code des professions de
l'artisanat, du commerce et de l'industrie est modifié comme suit:
1. La
formation de piquets de grève de forme quelconque est interdite. Toute
infraction est passible d'une peine de prison jusqu'à un an et d'amendes
jusqu'à 500 francs.
2. Quiconque
entreprend, par recours à la contrainte corporelle, menace, atteinte à
l'honneur ou diffamation
[Citation dans l'original ►.]
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•
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Des troupes françaises occupent les ateliers de chemins de
fer à Darmstadt (Hessen) et les installations portuaires à Mannheim
et Karlsruhe (Baden-Württemberg)[20].
Elles évacueront ces localités le 21 octobre 1924.
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•
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En Saxe le SPD et le KPD s'étaient mis d'accord le
19 mars, sur un programme d'action commun[21].
Le 21, le gouvernement dirigé par Wilhelm Buck (SPD) qui était resté
en place à titre provisoire depuis le 30 janvier, est remplacé par un
gouvernement avec Erich Zeigner (SPD) comme premier
ministre, soutenu par le KPD.
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•
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À Essen (Nordrhein-Westfalen),
des soldats français interviennent dans l'usine Krupp pour confisquer des
véhicules[22].
Les travailleurs réagissent par une grève de protestation. Les soldats
ouvrent le feu, 13 travailleurs sont tués.
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|
•
|
En Thüringen, sont constituées des formations de
défense prolétariennes[23].
Dans les mois qui suivent, de tels groupes, appelées communément “unités
d'intervention prolétariennes” [“proletarische
Hundertschaften”] se développeront principalement à Berlin,
dans la Ruhr, en Saxe et en Thüringen, avec un
effectif total d'environ 250 000 membres.
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•
|
En Saxe, le premier ministre E. Zeigner
(SPD) intervient au Landtag, en abordant notamment la question des
formations de défense prolétariennes (cf. ci-dessous)[24].
Le développement de telles formations sera confirmé par la direction
régionale du SPD le 17 mai.
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Déclaration au Landtag de
Sachsen, présentée par le premier ministre Erich Zeigner
(SPD) au nom du gouvernement, 10 avril 1923 (extraits)[25]
|
•
|
[...]
Tout ce travail nécessaire pour notre reconstruction
économique, sociale et culturelle peut être accompli uniquement sur le
terrain de la démocratie. Or celle-ci est menacée. [...] Sur toute
l'Allemagne se sont répandues de nombreuses organisations qui, de façon
cachée ou ouverte, attisent la haine contre la république, contre les
travailleurs. Avec amertume nous avons dû constater que la Reichswehr
n'est pas resté sans relations étroites avec les organisations
réactionnaires, fascistes. [...] Dans cette situation, on ne peut pas en
vouloir aux travailleurs si, pour la protection de leurs réunions et
installations, de leurs dirigeants, ils ont décidé des mesures de défense
contre les actes de violence de la part d'éléments putschistes. Cependant,
non seulement les travailleurs et leurs installations sont confrontés à un
danger, la république elle-même est menacée, elle lutte pour son existence.
Tant que prévaut cette situation, le gouvernement de Sachsen ne peut pas
interdire aux partis ouvriers, non, elle doit le saluer, quand les
travailleurs se mettent à la disposition des organes de la république, afin
de repousser au prix de leur vie, en cas de besoin, toutes les attaques
violentes et illégales contre la république, sous la direction de la police
d'état. [...] Que ces organisations de défense contreviennent à des
dispositions du code pénal, de cela il ne peut être question, car le
service d'ordre prolétarien de Sachsen n'est pas armé. [...]
[Citation dans l'original ►.]
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•
|
À Mülheim (Nordrhein-Westfalen), des travailleurs investissent l'hôtel
de ville, déclarent prendre en main l'administration de la ville et
constituent une milice ouvrière[26].
Le 21, la police de protection [Schutzpolizei],
avec l'autorisation des forces d'occupation françaises, réoccupera l'hôtel
de ville.
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•
|
À Brême (Bremen), une grève a
lieu dans l'aciérie Norddeutsche Hütte. Elle se
termine le 3 mai[27].
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•
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À Brême (Bremen), une grève à
lieu dans les moulins Rolandmühle[28].
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•
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Le ministre de l'Intérieur de Prusse Carl Severing (SPD) interdit les “unités d'intervention
prolétariennes”[29].
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À Hambourg se tient le congrès international de socialistes
avec des représentants de partis socialistes de 30 pays[30].
Il résulte dans la fondation de l'Internationale ouvrière socialiste (IOS) (Sozialistische Arbeiter-Internationale, SAI).
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•
|
À Bremerhaven et Geestemünde (Bremen), le 1er mai, la
convention collective dans le secteur de la pêche en haute mer avait été
dénoncée par les armateurs représentés qui veulent imposer une dégradation
des dispositions[31].
Le 23, démarre une grève organisée par l'union des transports
allemande [Deutscher Verkehrsbund] (antérieurement
fédération des travailleurs des transports [Transportarbeiter-Verband])
et la fédération centrale des machinistes et chauffeurs de chaudières [Zentralverband der Maschinisten und Heizer]. À partir
du 26, aucun navire ne sort en mer. Environ 1800 travailleurs
participent à l'action. Le conflit durera jusqu'à fin juillet.
Durant la même période, ont lieu des grèves à Brême, Hambourg
et Emden (Niedersachsen) dans le secteur de la marine marchande[32].
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•
|
L'Union nationale de l'industrie allemande (RDI) adresse au
chancelier une déclaration définissant sa position concernant d'éventuelles
contributions de l'industrie allemande au paiement des réparations[33].
Le texte formule notamment un certain nombre de conditions en matière
d'organisation générale de l'économie. Voici des extraits à ce sujet:
[...]
Assumer la garantie (exclusivement) sur la base de biens
de gage publics, ne peut être mis en oeuvre de façon
prometteuse, que si les entreprises nationales sont régénérées et gérées de
façon durable selon des principes d'économie privée.
[...]
1. L'état doit se tenir par principe à l'écart de la
production et distribution de biens privées, ce qui n'empêche pas la lutte
la plus sévère contre les prix exorbitants, donc
a) abolition de l'économie de guerre et de
l'économie dirigée, y compris la suppression du contrôle du commerce
extérieur, pour autant que celui-ci ne soit pas requis pour garantir
l'approvisionnement en ce qui concerne un petit nombre de produits vitaux
pour l'alimentation de la population et d'autres besoins similaires, et
qu'il soit praticable à cet effet.
b) abolition de toutes les règlementations de
démobilisation et limitation du pouvoir d'état à l'office d'arbitrage
relatif aux différends économiques de portée générale.
2. Préservation du capital de l'entreprise et
possibilité de formation nouvelle de capital privé à hauteur appropriée
dans le but du maintien et du développement des entreprises [...]
3. Recours intégral à la force de travail disponible
pour le relèvement quantitatif et qualitatif de la production, donc
accroissement du rendement général. Cela présuppose: Tout en maintenant le
principe de la journée de huit heures, élargissement de la liberté de
fixation des salaires dans le sens des travaux préparatoires du conseil
économique du Reich*, établissement d'une loi sur le temps de travail, en
outre libération de l'économie de la charge des salaires improductifs.
Adhésion explicite du gouvernement et du peuple à de tels principes ainsi
que réalisation immédiate de ceux-ci par tous les facteurs participants ‑ en
particulier le gouvernement ‑ sont indispensables. [...]
[Citation dans l'original ►.]
* Conseil économique du
Reich: cf. ►.
|
|
•
|
Dans le Ruhr des mouvements de grève massifs des mineurs se
développent, notamment à Dortmund, Bochum et Gelsenkirchen[34].
Des affrontements éclatent entre les travailleurs et la police, causant des
morts.
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•
|
À Brême (Bremen), une grève
démarre dans le chantier naval Vulkan-Werft[35].
Elle se terminera le 14.
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•
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À Berlin, débute un mouvement de grève dans les
secteurs de la métallurgie et de l'industrie de construction et du bois[36].
Environ 130 000 travailleurs participent à la grève. Elle se terminera
le 12.
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•
|
Est édictée la loi sur réembauches et licenciements dans des
parties du territoire national [über Wiedereinstellung und
Kündigung in Teilen des Reichsgebiets].
Cf. le texte de la loi ►.
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•
|
À Hambourg se produit un conflit à Blohm & Voss[37].
Environ 4000 travailleurs de l'entreprise organisent une manifestation,
sans l'implication du conseil d'entreprise. Le soir la direction ferme le
site. Ainsi le lendemain est appliqué le lockout pour 8000 travailleurs.
Sous prétexte de manque de fonds en espèces comme conséquence de
l'inflation, l'employeur suspend le paiement des salaires. Le site sera
rouvert le 13 aout.
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|
•
|
Les travailleurs d'imprimerie débutent une grève, qui touche
notamment l'impression des billets de banque[38].
À partir de Berlin, le mouvement s'étend à d'autres régions.
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|
•
|
Est édicté un décret du président du Reich pour le
rétablissement de la sécurité et l'ordre publics [zur
Wiederherstellung der öffentlichen Sicherheit und Ordnung] stipulant
notamment la possibilité d'interdiction et de saisie d'imprimés
périodiques, sous la compétence exclusive du ministre de l'Intérieur du
Reich[39].
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|
•
|
Wilhelm Koenen, président de la
fraction du KPD au Reichstag, soumet une motion de censure contre le
gouvernement W. Cuno[40].
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•
|
À Bremerhaven (Bremen)
démarre une grève des lamaneurs[41].
Elle se terminera le 14.
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•
|
Une assemblée plénière de membres des conseils d'entreprise
de Berlin, à laquelle assistent environ 12 000 délégués, décide
de lancer le jour même la grève générale à Berlin[42].
L'édition du jour du Rote Fahne
est saisie[43].
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•
|
À Brême (Bremen), une grève a
lieu dans la filature Jute-Spinnerei und Weberei Bremen AG [44].
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•
|
La grève générale s'étend au-delà de Berlin, à Hambourg,
la Lausitz, Saxe, Thüringen,
environ 3,5 millions de travailleurs et employés sont en grève[45].
Le SPD décide de retirer sa confiance au gouvernement et W. Cuno
démissionne.
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•
|
À Celle (Niedersachsen) se tient une assemblée à
laquelle participent plus de 1000 travailleurs[46].
Il est décidé d'appeler à la grève générale pour le lendemain.
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|
•
|
En Saxe, la grève générale en tant que telle n'est
suivie que partiellement, mais partout dans la province des grèves locales
se poursuivent[47].
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|
Rapport transmis à la
chancellerie au nom du président de Saxe, Otto Hörsing
(SPD), 15 aout 1923 (Extraits)[48]
|
•
|
Monsieur le président Hörsing, à
Magdeburg communique au sujet de la situation dans la province de Sachsen
ce qui suit:
La situation s'est considérablement améliorée. Il peut
être considéré que la propagande communiste en vue de la grève générale a
échouée. Le président est intervenu contre ceux qui incitent à la grève et
les dirigeants de grève au moyen de nombreuses arrestations. [...] Ont été
arrêtés jusqu'à maintenant environ 40 personnes parmi les cercles des
fauteurs de troubles et dirigeants communistes. Dans le district de Genthin, des bandes communistes ont tenté hier de déclencher
des incendies volontaires. [...] Des colonnes de pilleurs communistes se
sont abattues sur le district d'Eisleben, à Merseburg. [...] Les
organisations de la garde d'urgence républicaine [cf. ci-dessous] existant
dans les entreprises, se sont retournées contre les communistes qui
passaient d'un poste de travail à un autre en essayant de forcer à
l'interruption des entreprises. Les fauteurs de troubles communistes
incitant à la grève ont été chassés respectivement roués de coups par les
troupes de défense.
[Citation dans l'original ►.]
|
|
Formation d'une garde d'urgence
républicaine en Saxe
|
•
|
En 1922 l'organisation locale [Ortsverein] Magdeburg (Sachsen-Anhalt) du SPD avait décidé de
constituer une formation militaire propre[49].
À partir du printemps 1923 celle-ci se développe sous le nom de “garde
d'urgence républicaine” [“Republikanische Notwehr”]
dans toute la province. En octobre des négociations auront lieu entre le
président de la province, O. Hörsing, et les
autorités de Berlin au sujet de la question dans quelle mesure la formation
pourrait être employée pour renforcer la police de Prusse et l'armée. Dans
les mois suivants, de petits contingents seront incorporés à l'armée en
tant que volontaires temporaires [Zeitfreiwillige], et
1200 hommes intégrés à la police de protection [Schutzpolizei]
de Prusse.
|
|
•
|
À Celle (Niedersachsen) la grève générale débutée
le 13 se termine[50].
|
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•
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Déjà l'année 1920 avait été marquée par diverses
manifestations contre la cherté croissante de la vie, entre autre à Aalen
et Ulm (Baden-Württemberg), Ravensberg (Mecklenburg Vorpommern), Zwickau
(Sachsen), Kiel et Lübeck (Schleswig Holstein), Bremen,
Hamburg, Osnabrück (Niedersachsen), Krefeld (Nordrhein-Westfalen), Frankfurt (Hessen)[51].
À partir d'aout 1923 une nouvelle série de ce type d'action se développe,
allant de pair avec des manifestations de chômeurs. Entre aout et novembre,
auront lieu au moins une bonne centaine de ces actions, particulièrement
dans la deuxième moitié d'octobre.
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|
Description de la situation par
le ministre de l'intérieur prussien Carl Severing
(SPD), 20 aout 1923 (extraits)[52]
|
•
|
[...] repousser le mouvement communiste [...] À Neurode, Zeitz, Gelsenkirchen,
Hannover, Aachen et quelques autres localités, à côté
de nombreux blessés il y a eu également un nombre non négligeable de
morts.
[Citation dans l'original ►.]
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|
Description de la situation
dans la région d'Aachen (Nordrhein-Westfalen),
15 aout 1923[53]
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•
|
Le représentant du ministère du Travail pour la région
occupée de la rive gauche du Rhin au directoire de la Reichsbank:
Les mineurs se trouvant sans rémunération se sont rendus
en masse à la campagne et se déplacent en pillant. La population de la
campagne se défend, et des véritables fusillades se sont déjà produites.
[Citation dans l'original ►.]
Le président [Oberpräsident] d'Aachen
au chancelier, par télégramme:
Alimentation population d'Aachen dans la situation
actuelle impossible. Échauffourées sanglantes continuelles. Déjà plus de
cent morts et blessés. Pillage de tous les magasins et dépôts sans
distinction dans et en dehors de la ville. Transports de vivres se voient
pillés sur les routes d'arrivée.
[Citation dans l'original ►.]
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|
•
|
En Thüringen était en place depuis le 7 octobre
1921 un gouvernement avec August Frölich (SPD) comme
premier ministre, composé de membres du SPD et de l'USPD,
toléré dans un premier temps par le KPD[54].
En mai 1923, à l'initiative du KPD, des négociations avaient été menées
avec le SPD (qui comprend maintenant les membres de l'ex-USPD,
celui ayant décidé de rejoindre le SPD) pour établir une alliance, mais
elles avaient échoué. Le 4 aout les partis de droite avaient soumise
une motion de censure contre le gouvernement et demandé la dissolution de
l'assemblée régionale. Le KPD se joint au SPD pour rejeter la dissolution,
mais soumet lui-même une résolution critiquant le gouvernement. Les votes
correspondants ont lieu le 12 septembre, l'assemblée retire sa
confiance au gouvernement avec les voix de l'opposition de droite et du
KPD.
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Hugo Stinnes au sujet de la
situation
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•
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Voici comment Hugo Stinnes s'exprime au sujet de la
situation politique, le 12 septembre[55]:
Les cinq dernières semaines n'ont pas été utilisées
suffisamment. Dans quinze jours, nous aurons la guerre civile. Le programme
de Hilferding ne peut pas l'empêcher. Travailler plus, créer des moyens de
paiement, appliquer une Reichsexekution* en Sachsen et
Thüringen. Il ne faut pas perdre un seul jour, sinon la rue renversera le
cabinet Stresemann.
[Citation dans l'original ►.]
* “Reichsexekution” désigne un
dispositif prévu par la constitution (article 48), qui autorise le
président à suspendre temporairement certains droits fondamentaux et à
utiliser la force armée. Une Reichsexekution sera
effectivement décrétée pour la Saxe, le 29 octobre (cf. ►).
Au printemps 1924, alors que se déroule le procès contre
Adolf Hitler et d'autres participants à la tentative de putsch de novembre
1923 (cf. ►),
Stinnes formulera l'appréciation suivante au sujet des inculpés qu'il
qualifie de "hommes sympathiques"[56]:
Ce qu'ils voulaient, nous tous le voulions. Ce qu'ils ont
fait, n'était pas moralement "mauvais" mais d'une stupidité
indescriptible! Avec tellement peu de réflexion qu'il s'en est fallu d'un
cheveu qu'ils aient précipité l'Allemagne dans le précipice.
[Citation dans l'original ►.]
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Cf. ► ►.
Depuis ces débuts comme entrepreneur ‑ la
constitution en 1892 de la Fa. Hugo Stinnes GmbH ‑
Stinnes a progressivement édifié un groupe de grandes dimensions,
réunissant plus de 1500 entreprises comportant près de 3000 sites, dont les
activités vont de l'extraction de matières premières jusqu'à l'élaboration
de produits finis. Stinnes décèdera en avril 1924, et le groupe de sociétés
se disloquera rapidement.
La
politique vue à travers l'expression artistique:
Sur quelques-uns de ses tableaux, George Grosz dénonce le rôle joué par
Hugo Stinnes ► ►.
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•
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À partir de la première moitié de septembre, des grèves et
affrontements se développent en Baden et le Rheinland[57].
Le 11 septembre les employés des chemins de fer se mettent en grève à
Freiburg. Le 14, les ouvriers de l'industrie du textile débutent une
grève à Brombach ainsi qu'à l'usine Sarasin à Lörrach,
puis à Hagen. S'y joignent les travailleurs de la construction à Leopoldshöhe et finalement l'ensemble des travailleurs de
toutes professions à Lörrach. Une manifestation à Lörrach réunit environ
20 000 grévistes.
Les employeurs annoncent des concessions et le 15, les
travailleurs de Lörrach reprennent le travail. Cependant, la nuit
du 17, des fortes unités de la police de sécurité sont rassemblées à
Lörrach, et les employeurs annulent leurs engagements. Des affrontements se
produisent, la police tire, et on compte trois morts. Le 18 septembre,
le ministre de l'Intérieur de Baden, Adam Remmele
(SPD), instaure l'état d'exception à Lörrach, et l'étend le lendemain à
toute la région de Baden. Au même moment, une grève générale est en cours à
Freiburg, à laquelle se joignent les travailleurs de Lahr. À Lörrach se
réunit l'assemblée des conseils d'entreprise et décide de poursuivre la
grève générale jusqu'à ce que soient respectés les engagements pris par les
employeurs et que soit retirée de la ville la police de sécurité. Des
négociations ont lieu, le précédent accord est finalement confirmé,
le 24 la police de sécurité se retire et la grève générale se termine.
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Description de la situation en
Saxe, 22. septembre 1923[58]
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[...] Sous la pression de la rue, les fabricants ont du
consentir pour la semaine dernière déjà à plus que le double des salaires
conventionnels nationaux (15 millions par heure, au lieu de
5,4 millions). Par la force des choses, des licenciements de
travailleurs en quantité importante se sont déjà produits. [...] [Les
chômeurs] en sont venus, en ayant recours à des unités d'intervention
communistes, de contraindre de leur côté les propriétaires d'usines à leur
accorder des allocations privées à côté des subventions pour chômeurs de
l'état. [...] il faut s'attendre à ce que dans le délai le plus bref, si
rien n'est fait, en Sachsen s'étendra le règne de la rue, alias le
communisme. [...]
[Citation dans l'original ►.]
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À Brême (Bremen), une grève
débute dans l'aciérie Norddeutsche Hütte[59].
Elle se terminera le 28.
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Le chancelier du Reich Gustav Stresemann (DVP), qui a
succédé à W. Cuno le 13 aout, annonce la
décision prise par le gouvernement, de mettre la fin à la “résistance
passive”[60].
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Le gouvernement de Bavière, agitant le spectre d'un
renforcement des forces de la gauche radicale au niveau du Reich, et
pouvant s'appuyer sur le développement des organisations d'extrême droite
dans le Land, instaure l'état d'exception[61].
Le pouvoir exécutif est conféré à Gustav von Kahr
(BVP), qui est premier ministre depuis le 29 février 1920, nommé
maintenant commissaire général d'état.
Le gouvernement du Reich craint alors un putsch bavarois
dirigé contre Berlin et le président du Reich instaure l'état d'exception
dans tous le Reich par un décret "concernant les mesures nécessaires
pour le rétablissement de la sécurité et de l'ordre publiques" ["betreffend die zur Wiederherstellung der öffentlichen
Sicherheit und Ordnung nötigen Maßnahmen"].
Cf. le texte du décret ►.
Le pouvoir exécutif est conféré au ministre de la défense O. Geßler. Celui-ci charge des commandants militaires
de l'application du pouvoir exécutif dans les différents Districts
militaires [Wehrkreise][62].
Ainsi notamment le lieutenant général Otto von Lossow
pour le secteur du District militaire 7 (Bayern), le lieutenant
général Alfred Müller pour le secteur du District militaire 4 (Sachsen
à l'exception des districts Erfurt, Sachsen-Anhalt, ainsi que Calvörde qui fait partie de Braunschweig),
le lieutenant général Walther Reinhardt pour le secteur du District
militaire 5 (Hessen-Nassau, district Erfurt, Hessen, Thüringen, Waldeck, Württemberg, Baden), le
lieutenant général Erich von Tschischwitz pour le
secteur du District militaire 2 (Pommern, Schleswig-Holstein,
Grenzmark Westpreußen, Mecklenburg-Schwerin, Mecklenburg-Strelitz, Eutin
qui fait partie de Oldenburg, Groß-Hamburg, Lübeck).
Le gouvernement de Bavière considère que l'état d'exception
qu'il a instauré prime sur celui décrété par le président du Reich. Il
interdit notamment l'application de la loi pour la protection de la
république de juin 1922, en Bavière.
Au niveau du Reich l'état d'exception militaire sera
remplacé, le 28 février 1924, par un état d'exception civil.
En Bavière, la loi pour la protection de la république sera
remis en vigueur en avril 1924[63],
l'état d'exception en Bavière sera levé le 16 février 1925.
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En Thüringen, le commandant militaire Reinhardt
demande que soient interdits les réunions, rassemblements, manifestations
en plein air et que les réunions en salle soient soumises à autorisation[64].
Il demande également qu'il y ait intervention immédiate contre toute action
appelant à la grève générale ou à la guerre civile.
Le 30 septembre, le premier ministre de Thüringen A. Frölich publie alors un décret comportant une mesure
en ce sens concernant les rassemblements en plein air. Le texte stipule
entre autre[65]:
Des affiches qui appellent à la guerre civile doivent
être enlevées; tracts, journaux ou d'autres produits de presse qui
contiennent des appels à la guerre civile doivent être saisis. [...] Toutes
les réunions antirépublicaines dans des locaux fermés et couverts sont
interdites, en particulier est interdite l'organisation des dénommées
"journées allemandes"*.
* Les "journées allemandes" ["Deutsche
Tage"] sont organisées annuellement par le Deutschvölkische
Schutz- und Trutzbund (une organisation nationaliste-raciste fondée
en février 1919); la première avait eu lieu du 1er au 3 octobre 1920.
Au sujet des appels à la grève générale, le texte précise:
Un appel à la grève générale est passible d'une sanction
si se réalisent des actes qui sont passible d'une sanction en rapport avec
le décret (voir en particulier le décret du président du Reich du
30 mai 1920). Il en ressort qu'est interdite tout activité visant à
bloquer des entreprises vitales [...]
[Citations dans l'original ►.]
W. Reinhardt précise alors le 3 octobre au sujet
des "réunions antirépublicaines"[66]:
Compte tenu de la situation actuelle, sous ce terme
tombent toutes les réunions qui se posent comme tâche de provoquer une
modification des fondements du droit public sur lesquels est bâtie la
constitution du Reich actuelle. Il faudra donc entendre par là par exemple
aussi toutes les réunions qui veulent introduire, à la place du système
parlementaire, le principe des conseils, par conséquent toute réunion du
Parti communiste.
[Citation dans l'original ►.]
Le 5 octobre, Reinhardt décrète l'interdiction générale
de tracts et affiches politiques. Il interdit le Neue
Zeitung et le Gothaer Volksblatt,
deux organes du KPD.
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Dans la Ruhr, les employeurs des mines décident
d'appliquer de nouveau la règlementation des horaires de travail d'avant la
guerre, à savoir: 8h1/2 y compris la descente et la remontée pour les
travailleurs sous terre, et 10h pour ceux travaillant en surface[67].
Ils prévoient de mettre en pratique cette décision à partir du
9 octobre.
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