Allemagne 1918‑1939

Janvier-février 1920

Écrit:
janvier 2013


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1920 (janvier-février)

 

5 janvier

 

Dans la Ruhr, les cheminots entament une grève[1]. En même temps, des négociations salariales sont en cours pour le secteur des chemins de fer publics de Prusse et de Hessen.

 

 

10 janvier

 

Le Traité de Paix de Versailles entre en vigueur.

 

 

Dans la Sarre, les mines passent sous administration française dans le cadre des Mines Domaniales Françaises de la Sarre, créées par décret français le 23 octobre 1919[2].

 

 

11 janvier

 

À Düsseldorf, Arnsberg, Münster et Minden (Nordrhein-Westfalen) est instauré l'état d'exception[3]. Pour Düsseldorf, il sera transformé en état d'exception renforcé, le 17 janvier.

 Cf. le texte du décret .

 

 

13 janvier

 

À Berlin, depuis plusieurs jours, l'USPD, le KPD, le conseil exécutif des conseils d'ouvriers et de soldats de Grand-Berlin et la Centrale des conseils d'entreprise d'Allemagne (cf. 16 juillet 1919), ainsi que l'assemblée plénière de la direction locale de l'ADGB [Berliner Gewerkschaftskommission] diffusent des appels à une mobilisation contre le projet de loi sur les conseils d'entreprise, dont la deuxième lecture est à l'ordre du jour de l'assemblée nationale le 13 janvier[4]. Le SPD et divers syndicats se désolidarisent de l'action. Une manifestation se déroule devant l'assemblée nationale. La police tire sur les manifestants. Il y a 42 morts. Est alors instauré l'état d'exception, par le décret "concernant les mesures nécessaires pour la restauration de la sécurité et de l'ordre publics dans le territoire du Reich à l'exception de la Bavière, de Saxe, de Württemberg et de Baden ainsi que des territoires qu'ils renferment" ["betreffend die zur Wiederherstellung der öffentlichen Sicherheit und Ordnung im Reichsgebiete mit Ausnahme von Bayern, Sachsen, Württemberg und Baden und der von ihnen umschlossenen Gebiete nötigen Maßnahmen"].  (Cf. le texte .)

Le décret contient notamment les dispositions suivantes:

Toute activité par parole, écrit ou d'autres mesures, qui vise à interrompre des entreprises vitales, est interdite.

Sont considérées comme entreprises vitales les moyens de transport publics ainsi que les sites et installations pour la production de gaz, eau, électricité et charbon.

[Citation dans l'original .]

Le pouvoir exécutif est assumé par le ministre de la défense Gustav Noske (SPD), en tant que commandant suprême pour Berlin et ses environs [Oberbefehlshaber in den Marken] (cf. )[5]. Le 11 avril l'état d'exception militaire sera remplacé par un état d'exception civil, lequel restera en vigueur jusqu'au 28 mai. Est également adopté un décret transformant l'état d'exception instauré le 11 janvier dans la Ruhr, en état d'exception renforcé [verschärft][6]. L'ensemble des dispositions en matière de rétablissement de la sécurité et de l'ordre publics en vigueur, à l'exception de celles concernant la Ruhr, sera remplacé le 11 avril par un nouveau décret remplaçant l'état d'exception militaire par un état d'exception civil, lequel restera en vigueur jusqu'au 28 mai.

Le commandant du District militaire 6 [Wehrkreis 6] lieutenant général Oskar von Watter est chargé de l'exécution de l'état d'exception dans la Ruhr, et le commissaire du Reich et d'état [Reichs- und Staatskommissar] pour la région Carl Severing (SPD) est désigné pour l'assister dans cette tâche[7].

L'organe du KPD Rote Fahne et celui de l'USPD Freiheit sont interdits[8]. Ils le resteront jusqu'au 9 février.

 

 

14 janvier

 

À Berlin, G. Noske interdit pour le district [Landespolizeibezirk] Berlin, le district [Stadtkreis] Spandau et les districts [Landkreise] Teltow et Niederbarnim, toute réunion dans des locaux non fermés, ainsi que les défilés et les attroupements[9].

 

 

La grève des cheminots déclenchée dans la Ruhr le 5 janvier, ainsi que celle en Basse-Silésie se termine[10].

 

 

Article du Essener Arbeiter-Zeitung (SPD), après les évènements de Berlin du 13 janvier 1920 (extraits)[11]:

 

Dans la région de la Ruhr s'amoncèlent des nuages de pluie chargés. Si l'orage éclate, alors il en est fini de notre économie, alors est en jeu toute notre possibilité de survie comme peuple d'industrie. Les Spartakistes, les syndicalistes et le Indépendants qui depuis leur congrès de Leipzig ont cessé d'être des social-démocrates, jouent le tout pour le tout. Ils s'entêtent à vouloir foncer à travers le mur, peu importe si ce faisant toute l'économie tombe en ruine. [...] C'est que justement ils veulent la ruine, parce qu'ils ont la foi du charbonnier que cela les mène au pouvoir. Leur spéculation est très simple. D'abord l'approvisionnement en vivres et en matières premières sera ébranlé par la grève des chemins de fer. Par là, des dizaines de milliers d'usines, en outre les centrales d'électricité. Le chômage et la faim ainsi provoqués radicalisent les masses de travailleurs et produisent un tel sentiment de désespoir, que les travailleurs deviennent mûrs pour n'importe quel expérience de coup d'état. [...] La bataille contre la folie bolchévique se livre dans la région de la Ruhr, que les communistes et leurs acolytes indépendants ont élue comme leur terrain de bataille le plus important [...].

[Citation dans l'original .]

 

 

18 janvier

 

L'assemblée nationale adopte la loi sur les conseils d'entreprise, avec 213 voix contre 64[12].

 

 

20 janvier

 

Dans la Ruhr des négociations salariales se déroulent alors qu'en même temps la question de la durée des tournées d'équipe est posée[13]. Le 20 janvier, Alfred Hugenberg (cf. ) rencontre le ministre du travail Alexander Schlicke. Hugenberg fait remarquer:

il a l'impression que les dirigeants des mineurs sont sans doute assez compréhensifs pour entrevoir la situation, et qu'à son avis au bout du compte il ne peut être que souhaitable pour eux, si par une attitude ferme et sans ambigüité du gouvernement leur soit facilité la tâche de faire comprendre aux masses des mineurs que leurs revendications sont inacceptables.

A. Schlicke affirme:

S'il n'est pas possible d'atteindre une entente entre les employeurs et les salariés, alors le gouvernement se tiendra sur cette question du côté des employeurs.

À la question concernant les intentions du gouvernement au cas où il faudrait faire face à une tentative d'imposer par la force la durée des tournées de six heures, Schlicke répond:

quoi qu'il arrive, le gouvernement restera ferme, pour le reste, c'est Noske qui devra s'en charger.

[Citation dans l'original .]

 

 

23 janvier

 

Dans le cadre des négociations concernant les mines de la Ruhr, une réunion se tient à laquelle participe, à la demande des dirigeants syndicaux, le commissaire du Reich et d'état C. Severing comme représentant du ministère du travail[14]. Severing explique:

Par conséquent une diminution du temps de travail ne signifierait rien d'autre que la ruine de la vie économique. Le gouvernement ne doit laisser arriver les choses à ce point, pour autant qu'elle ait le pouvoir de l'éviter. Il ne lui incombe pas seulement de maintenir le calme apparent, sa tâche consiste également à maintenir en fonctionnement la vie économique, il ne peut pas tolérer les empiètements par la force dans ce domaine, et ne les tolèrera pas et mettra en oeuvre à leur encontre tous les moyens à sa disposition, éventuellement aussi contre les syndicats eux-mêmes. Il espère que les représentants des syndicats ne s'opposeront pas à cette décision inflexible du gouvernement.

[Citation dans l'original .]

 

 

29 janvier

 

En Saxe, par un décret du président, sont appliquées des mesures similaires à celles découlant de l'état d'exception instauré dans d'autres parties du Reich le 13 janvier.  (Cf. le texte .)

La mesure sera annulée le 13 avril en même temps que la levée de l'état d'urgence instauré le 23 avril 1919, avec effet rétroactif au 16 mars.

 

 

31 janvier

 

À Berlin, dans le secteur de la confection pour femmes, se déroule un mouvement de grève des tailleurs et des auxiliaires[15].

 

 

Janvier

 

À Hambourg se déroule une grève des riveteurs aux chantiers navals Blohm & Voss[16]. El dure trois jours. La direction procèdera à des licenciements, mais sera contrainte de les annuler.

 

 

 

1er février

 

À Geestemünde (aujourd'hui Bremerhaven) (Bremen), les employés du chantier naval Tecklenborg-Werft se mettent en grève[17]. Celle-ci se termine le lendemain.

 

 

4 février

 

La loi sur les conseils d'entreprise [Betriebsrätegesetz], qui avait été approuvée par l'assemblée nationale le 18 janvier, est publiée[18]. (Cf. des extraits du texte .)

Des conseils d'entreprise sont instaurés dans des entreprises avec plus de 20 employés, dans les autres entreprises sont élus des hommes de confiance [Obleute]. Les conseils d'entreprise ont pour objectif notamment d'oeuvrer en faveur de la rentabilité de l'entreprise, de la préservation de la paix sociale, de la collaboration en cas de licenciements. Les conseils d'entreprise sont représentés au conseil de surveillance, mais à l'origine cette représentation est limitée aux questions sociales; le 1er février 1922 sera adoptée une loi conférant aux représentants du conseil d'entreprise au conseil de surveillance un statut similaire à celui des autres membres (cf. le texte .).

Le § 84 de la loi traite de la protection de l'employé en rapport avec une mesure de licenciement (cf. , p. 16).

 

 

La constitution entrée en vigueur en aout 1919 prévoit l'instauration de conseils d'ouvriers d'entreprise [Betriebsarbeiterräte] ainsi que des conseils d'ouvriers de district [Bezirksarbeiterräte] et un conseil ouvrier du Reich [Reichsarbeiterrat]. En dehors des conseils d'entreprise, aucune de ces instances ne sera créée. Parallèlement, en ce qui concerne les conseils existant depuis novembre 1918, les conseils de soldats se dissolvent avec la démobilisation de l'armée, et les conseils d'ouvriers deviennent caducs, puisque la constitution ne les retient pas comme structure d'exercice du pouvoir. Ainsi les conseils d'ouvriers disparaissent progressivement, persistant tout au plus encore au cours de l'année 1920.

 

 

À Celle (Niedersachsen), avec l'entrée en vigueur de la loi sur les conseils d'entreprise, les autorités locales considèrent le conseil d'ouvriers comme superflu et ne mettent plus de moyens financiers à sa disposition[19].

 

 

6 février

 

Dans la Ruhr, sur la base de l'état d'exception instauré le 13 janvier, le commissaire du Reich et d'état pour la région C. Severing et le commandant du District militaire 6 lieutenant général O. v. Watter décrètent que l'accomplissement de tournées supplémentaires est obligatoire pour les équipes dans les mines[20].

 

 

8 février

 

Bremerhaven/Lehe/Geestemünde (Bremen) sont occupés par une unité du Corps de tirailleurs de terre [Landesschützenkorps][21]. Environ 100 personnes sont arrêtées. C'est le point final au mouvement des conseils dans ces villes. Le conseil d'ouvriers avait déjà cessé son activité à la fin de 1919, laissant la place aux institutions municipales élus.

 

 

12 février

 

Le conseil suprême des Puissances Alliées vainqueurs repousse les échéances pour la diminution de l'armée figurant dans le Traité de Versailles, à 200 000 hommes au 10 avril et à 100 000 hommes au 10 juillet[22].

 

 

16 février

 

À Essen (Nordrhein-Westfalen), des négociations ont lieu entre des représentants du gouvernement (chancelier Gustav Bauer, ministre du travail Alexander Schlicke, ministre de la Poste Johannes Giesberts) ainsi que du gouvernement de Prusse (ministre des travaux publics Rudolf Oeser), des fédérations présentes parmi les mineurs (Fédération des mineurs, Association de métier des travailleurs des mines chrétiens, Association de métier des travailleurs des mines - Hirsch‑Duncker, Fédération professionnelle polonaise) et pour les employeurs l'Association de mines, au sujet d'un éventuel allongement de la durée du travail dans le secteur des mines[23].

 

 

Durant les négociations concernant les mines de la Ruhr (cf. ci-dessus), le chancelier G. Bauer (SPD) évoque l'éventualité que les mineurs réussissent à imposer la durée de six heures pour les tournées d'équipe. Dans cette hypothèse, il déclare[24]:

que les mineurs se feraient en quelque sorte les ennemis du peuple allemand tout entier.

[Citation dans l'original .]

 

 

19 février

 

G. Noske décrète pour Berlin et la province Brandenburg, que les sites et installations de production, transformation et distribution de biens alimentaires sont considérés comme entreprises vitales[25]. Les perturbations, notamment les grèves, seront réprimées.

 

 

24 février

 

Au cours d'une réunion publique à Munich (Bavière), Adolf Hitler, chef de propagande du Parti ouvrier allemand (Deutsche Arbeiterpartei, DAP) présente le programme de ce parti[26]. Le DAP avait été créé le 5 janvier 1919, à Munich, par Anton Drexler. Hitler était devenu membre le 19 septembre 1919 et avait dès le départ été intégré dans la direction. À l'occasion de la présentation du programme, le DAP change son nom en “Parti ouvrier national-socialiste allemand” (“Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei”, NSDAP).

 

 

29 février

 

Sous la pression des Puissances Alliées vainqueurs, le ministre de la défense Gustav Noske (SPD) ordonne la dissolution des corps-francs Hermann Ehrhardt et Wilfried von Loewenfeld (Marinebrigade II et III) à la date du 12 mars[27]. Le général Walther von Lüttwitz qui commande l'ensemble des troupes à l'est de l'Elbe ainsi que celles de Saxe, Thüringen et Hanovre, est opposé à cette décision.

 

Notes



[1]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/para2_145.html.

[2]. http://www.bergbauerbesaar.de/downloads/Steinkohlerevier_an_der_Saar_Slotta_2011.pdf.

[3]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/para2_146.html.

http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/para2_214.html

[4]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/para2_148.html;

M.‑L. Ehls: Protest und Propaganda - Demonstrationen in Berlin zur Zeit der Weimarer Republik, S. 61-62. (Bibliographie )

[5]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/para2_148.html.

[6]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/para2_148.html.

[7]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/para2_152.html.

[8]. http://www.luise-berlin.de/kalender/jahr/1920.htm.

[9]. Th. Blanke (Hg.): Kollektives Arbeitsrecht - Quellentexte zur Geschichte des Arbeitsrechts in Deutschland - Band 1 - 1840‑1932, (Bibliographie )

[10]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/para2_152.html.

[11]. H. Spethmann: Zwölf Jahre Ruhrbergbau 1914‑1925 - Band 2, S. 57 (Bibliographie )

[12]. http://www.luise-berlin.de/kalender/jahr/1920.htm.

[13]. http://www.ifz-muenchen.de/heftarchiv/1980_2.pdf S. 179-180.

[14]. http://www.ifz-muenchen.de/heftarchiv/1980_2.pdf S. 180-181.

[15]. http://www.luise-berlin.de/kalender/jahr/1920.htm.

[16]. O. Mertelsmann: Die Werft Blohm & Voss 1914‑1923, p. 161. (Bibliographie )

[17]. http://www.klausdede.de/index.php?content=weserundjade&sub=50.

[18]. http://www.aventinus-online.de/no_cache/persistent/artikel/7654/.

[19]. http://www.celle-im-nationalsozialismus.de/Texte/April2.html.

[20]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/kap2_172/para3_4.htm.

[21]. http://www.klausdede.de/index.php?content=weserundjade&sub=49.

[22]. http://www.dhm.de/lemo/html/1920/

[23]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/kap2_172/para3_4.htm.

[24]. http://www.ifz-muenchen.de/heftarchiv/1980_2.pdf S. 188.

[25]. http://www.luise-berlin.de/kalender/jahr/1920.htm.

[26]Ch. Wagner: Entwicklung, Herrschaft und Untergang der nationalsozialistischen Bewegung in Passau 1920 bis 1945, p. 20. (Bibliographie )

[27]B. Asmuss: Republik ohne Chance?, S. 214; (Bibliographie )

A. Grzesinski: Im Kampf um die deutsche Republik, S. 139; (Bibliographie )

http://www.dhm.de/lemo/html/1920/